Brice Laccruche Alihanga sur TV5 Monde : « Je ne suis pas de retour en politique. J’apporte simplement ma pierre à l’édifice. »

Brice Laccruche Alihanga lors de son passage sur le plateau de TV5 Monde Credit:© 2025 D.R./Le Radar
Pour la première fois à la télévision, Brice Laccruche Alihanga brise le silence. Ancien pilier du régime Bongo, devenu dissident, il livre sur TV5 Monde un témoignage saisissant sur sa détention, les persécutions politiques subies, et sa volonté de participer à la reconstruction du Gabon.
Lire aussi
Lundi soir sur TV5 Monde, Brice Laccruche Alihanga, ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo, est sorti du silence. Pour la première fois à la télévision, il est revenu sur les circonstances de son arrestation en 2019, les traitements subis en détention, et son engagement dans la transition politique au Gabon.
Quatre ans d’isolement
Brice Laccruche Alihanga raconte avoir été détenu dans une cellule de 6 m2 à la prison centrale de Libreville. Il y aurait passé plus de quatre ans en isolement total, sans visites, sans promenade, sans lecture.
« Je faisais mes besoins là où je dormais. Je ne distinguais plus le jour de la nuit. J’ai perdu 40 kilos. Je suis sorti avec un cancer », confie-t-il.
Pour lui, cette incarcération n’est pas le fruit d’une procédure judiciaire, mais d’un règlement de comptes politique.
« Es-tu avec moi ou contre moi ? »
La rupture intervient en novembre 2019. Selon Laccruche, Noureddin Bongo Valentin, fils de l’ex-président, lui pose alors une question directe :
« Mon grand-père était président, mon père l’est, je le serai. Es-tu avec moi ou contre moi ? »
Il dit avoir répondu non. Ce refus, dans un système qu’il qualifie de « monarchie déguisée », marque son éviction.
« Le système Bongo-Valentin, c’est une mafia. Un cartel », lance-t-il.
Un projet dynastique dénoncé
Laccruche décrit Noureddin Bongo comme le principal instigateur d’un projet de succession dynastique.
« Il voulait devenir roi. Moi, j’ai dit non. J’ai payé. »
Il affirme que l’appareil d’État a été utilisé pour neutraliser toutes les voix discordantes, de manière « planifiée, méthodique, presque clinique ».
Nouvelle trajectoire politique
Loin de renier son passé au sein du pouvoir, Laccruche se dit aujourd’hui engagé dans une démarche de rupture. Il œuvre désormais au sein de l’Union des bâtisseurs (UDB), un parti basé dans le Haut-Ogooué, en soutien de Brice Clotaire Oligui Nguema.
« Je ne suis pas de retour en politique. J’apporte simplement ma pierre à l’édifice. »
Justice à géométrie variable ?
Alors qu’il s’est présenté devant la justice gabonaise, Brice Laccruche dénonce le silence autour de la situation de ses anciens détracteurs.
« Ceux qui ont eu la grâce d’échapper à la justice devraient faire profil bas », déclare-t-il, en référence à Noureddin Bongo, Sylvia Bongo, et leurs proches, aujourd’hui installés entre Londre et Doha.
Un appel à la vérité
L’ancien proche du pouvoir plaide pour la création d’une commission vérité nationale afin de documenter les abus du régime Bongo et les violences électorales de 2009, 2016 et 2023.
« Le Gabon a besoin de justice, pas de vengeance », insiste-t-il.
Il appelle à briser un cycle de peur qui, selon lui, perdure depuis six décennies.
« La prison vous oblige à réfléchir »
Durant cet entretien, Brice Laccruche confie avoir été profondément transformé par l’épreuve carcérale.
« Il y a l’histoire biblique de Saul qui devient Paul… La prison, surtout sans lecture ni promenade, vous oblige à réfléchir. »
Aujourd’hui, dit-il, il a tourné la page, sans oublier.
« Je veux participer au changement, avec mémoire, mais sans revanche. »
Un retour suivi de près
Nommé membre du Conseil stratégique national pour le Haut-Ogooué, Brice Laccruche Alihanga fait un retour remarqué sur la scène politique. Ancien patron de l’AJEV, fin connaisseur du terrain, il pourrait s’imposer comme une figure clé de la nouvelle phase politique gabonaise.