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Tribune libre : « Le président-commentateur : chronique d’un désaveu démocratique »


Tribune libre : « Le président-commentateur : chronique d’un désaveu démocratique »

Michel Ongoundou Loundah, Président du parti REAGIR Credit:© 2025 D.R./Le Radar

Par Michel Ongoundou Loundah, Président du parti REAGIR

C’est du jamais vu dans l’histoire politique récente du Gabon. Une déclaration solennelle, publiée sur le réseau social X, émanant directement du compte certifié du président de la République. Pas un communiqué anonyme. Pas une rumeur de couloir. Pas une déclaration d’opposant ou un édito d’analyste. Non. Une publication présidentielle, officielle, visible de tous, signée du chef de l’État, du chef du gouvernement, et du chef du parti présidentiel : Brice Clotaire Oligui Nguema lui-même.

Et que dit cette déclaration ? Qu’il existerait des irrégularités dans la gestion des candidatures aux législatives et locales de septembre. Qu’il en appelle à la transparence, à la rigueur, à la responsabilité des institutions. En d’autres termes, le président s’érige en vigie, en lanceur d’alerte citoyen… comme s’il découvrait, en spectateur impuissant, un dysfonctionnement dont il ne serait pas responsable.

Déjà, le paradoxe est frappant.

Comment le garant suprême des institutions peut-il prendre la posture d’un commentateur extérieur au système, alors qu’il en est le sommet, le cœur et le centre de gravité ?

Cette déclaration n’émane ni d’un syndicaliste, ni d’un membre de la société civile, ni d’un observateur international. Elle vient de celui qui cumule trois casquettes majeures : chef de l’État, chef du gouvernement, chef du parti présidentiel. Autrement dit : s’il y a irrégularité, il est soit l’auteur, soit le responsable direct.

Qu’un président se transforme en commentateur indigné de ses propres carences institutionnelles a de quoi sidérer. C’est comme si le pompier dénonçait un incendie dont il tient lui-même le briquet. Ou si l’arbitre s’offusquait d’une faute… après avoir fermé les yeux sur le jeu.

Un calendrier électoral au mépris du peuple

Premier élément de cette mascarade : le calendrier.

Les élections sont organisées en pleine rentrée scolaire. À l’heure où les familles devraient se concentrer sur les fournitures, les inscriptions, les cahiers et les manuels, l’État détourne son énergie et ses budgets, vers une opération électorale précipitée. Ce choix en dit long : l’éducation nationale, pilier de l’avenir gabonais, est reléguée au second plan. Le gouvernement affiche ses priorités : non pas restaurer, mais accélérer ; non pas construire, mais imposer.

Une absurdité parlementaire jamais vue

Deuxième élément : le chaos institutionnel autour de la session budgétaire.

La loi de finances est le texte central de toute année parlementaire. Pourtant, dans ce schéma ubuesque, les députés sortants débattent… mais ne voteront pas. Les députés entrants, eux, voteront sans avoir débattu. Une aberration politique.

Ceux qui travaillent n’ont pas le dernier mot.

Ceux qui votent ne savent pas ce qui a été discuté.

Le Parlement devient alors un théâtre d’ombres : les acteurs entrent en scène sans avoir lu le script.

L’écart grandissant entre la promesse et la réalité

On nous avait promis la « restauration des institutions ». Une nouvelle ère. Une démocratie renforcée. Une rupture avec les dérives du passé.

Mais ce que nous voyons aujourd’hui, ce n’est pas une réforme républicaine. C’est une prise de pouvoir pour le pouvoir. Une gestion patrimoniale de l’État, où l’on distribue les postes comme des biens personnels, et où l’on brandit la transparence comme un paravent.

Un président responsable agit, tranche, réforme.

Un président-commentateur, lui, observe, commente, déplore.

Mais le Gabon n’a pas besoin d’un président-indigné. Il a besoin d’un président-décideur.

Où est passé l’argent ?

REAGIR pose aussi la question que tout citoyen lucide se pose : comment un parti aussi jeune que l’UDB, sans ancrage local, sans cotisations visibles, a-t-il pu aligner autant de candidats sur tout le territoire national ?

Rien que pour les cautions, on évoque des montants dépassant les 400 millions de francs CFA. D’où viennent ces fonds ? Qui les finance ? Où est passée la rigueur que le chef de l’État exige des autres, mais semble éviter pour son propre camp ?

La transparence commence toujours par soi-même.

Et là-dessus, le silence du palais est assourdissant.

Entre ministres sous enquête et parachutages absurdes

Deux vecteurs du désordre sont identifiables :

– Un gouvernement fragilisé, où certains ministres sont éclaboussés par des affaires judiciaires

– Et un parti présidentiel en roue libre, prêt à parachuter des candidats n’importe où, sans ancrage, sans légitimité, sans méthode.

La scène devient caricaturale : ce pouvoir qui s’était promis exemplaire, rejoue, en pire, les travers qu’il prétendait combattre.

Un an après le putsch du 30 août 2023, les erreurs du passé sont non seulement répétées, mais revendiquées.

L’ironie finale : une souveraineté sous-traitée

Quand il faut trancher les litiges internes, on fait appel au Congo. Quand il faut gérer la propriété de la marque Oliguiville, on confie cela à un cabinet camerounais. Et pourquoi pas externaliser l’organisation du scrutin, tant qu’on y est ? Après tout, puisque nous semblons incapables de respecter nous-mêmes nos règles, confions-les à ceux qui savent les appliquer.

Un président, deux vice-présidents, des dizaines de ministres, des moyens colossaux… et malgré cela, l’incapacité flagrante d’organiser un scrutin digne, clair, et crédible.Le chef de l’État devient le commentateur de ses propres failles. La restauration des institutions a tourné à la mise en scène. Le peuple gabonais assiste à cette pièce tragique avec lucidité. Et REAGIR se tiendra toujours aux côtés de ceux qui refusent la comédie.

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